11 avril 2024

Lettre ouverte Le Devoir - Voir le jour discrètement

Voir le jour discrètement

par Elise Bonneville, directrice, Collectif petite enfance


Timidement, le ministère de la Santé et des Services sociaux a récemment fait paraître son nouveau Plan d’action en périnatalité et petite enfance. La dernière politique traitant de cette période de la vie étant caduque depuis 2018, dire que ce plan d’action était attendu est un euphémisme. C’est d’autant plus vrai que les acteurs concernés ont participé en force aux consultations en vue de son élaboration, consultations qui se sont étirées sur plusieurs années. Avec constance et conviction, leurs voix se sont élevées pour le bien-être des bébés à naître, des enfants qui grandissent et des parents qui les aiment.

Il nous est donc difficile de comprendre pourquoi ce plan tant espéré a été rendu public par simple voie de communiqué, à quelques heures du long congé pascal, comme si on cherchait à ne pas ébruiter sa parution.

Pourtant, la lecture réjouit à maints égards. Plusieurs éléments structurants du plan reflètent tantôt un engagement marqué envers l’innovation et la prévention, tantôt une lecture fine de ce qui peut représenter un facteur de risque pour les parents.

Bien que cela puisse paraître évident pour plusieurs, il faut reconnaître le progrès que représente le fort parti pris envers la « participation de la mère et du père, du coparent ou de la personne significative tout au long de la trajectoire périnatale et de la petite enfance ».

De même, on évoque avec justesse l’importance d’agir en suivant les principes de l’universalisme proportionné et l’ajout du vocable « petite enfance » rend concrète l’importance de penser la périnatalité comme un continuum qui ne prend pas fin après l’accouchement. Il faudra toutefois porter une attention particulière afin d’éviter les dédoublements, notamment lorsqu’il est question de concertation nationale, régionale ou locale.

De plus, on sent le désir sincère de prendre en compte les effets du cumul des vulnérabilités pour certaines familles.  Dans le détail, il faut cependant avouer que les mesures semblent sous-estimer la complexité que cela entraîne dans la prestation des services.

Et c’est justement lorsqu’on se penche sur les détails du plan d’action que l’on peut imaginer les craintes ayant soutenu une telle stratégie de communication. En effet, les mesures du plan d’action sont généralement vagues et peu détaillées. À regret, parcourir attentivement le document ne permet pas une compréhension plus précise des pistes proposées.

On remarque qu’une forte proportion des mesures débute par les verbes « adapter, faciliter, favoriser, faire connaître, sensibiliser, engager une réflexion, valoriser, diffuser ou promouvoir ». Il s’agit sans conteste de verbes d’action, mais leur portée se limite souvent au domaine des communications. Or, sans nouveaux investissements ou consolidation des moyens déjà en place, la diffusion et la promotion des différentes actions du plan risquent de ne pas avoir les effets escomptés.

À ce compte, il est navrant de n’avoir aucun détail sur les investissements associés à ces nouvelles mesures. Le budget du Québec ayant été dévoilé, la parution du plan d’action représentait un moment idéal pour illustrer, chiffre à l’appui, la force des convictions gouvernementales en la matière. Le contexte budgétaire met déjà à mal certaines aspirations de groupes dévoués à ces enjeux; le manque d’information quant aux investissements consentis contribue à ternir un peu plus leurs perspectives.

En somme, il semble que rien ne puisse justifier d’essayer de passer sous silence une composante aussi significative de nos politiques publiques. Après tout, elle concerne l’arrivée dans ce monde des citoyens de demain, le sain développement de nos tout-petits et le bien-être de leurs parents. Nous comprenons l’ambivalence, l’incompréhension ou la déception de plusieurs organisations ayant participé aux consultations et évoluant au jour le jour dans les sphères d’action de la périnatalité et de la petite enfance au Québec.

Il est normal de se questionner sur les motivations derrière cette stratégie de communication. En agissant ainsi, il semble qu’on ait malheureusement rendu difficile un accueil favorable du plan d’action, tout en rendant possible une série de conjectures quant au réel intérêt qu’y porte le gouvernement. Espérons qu’il ne s’agisse que d’une maladresse, nous avons tant à faire ensemble.

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